Rechercher des articles

  • Effacer les filtres

Suivez-moi !

Liens Europe Ecologie

Derniers articles

ITER : quand le rêve d’Icare se transforme en supplice de Tantale

Le réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) est un projet de recherche censé aider l’humanité à réaliser le rêve d’un monde alimenté, non pas par les combustibles fossiles, mais par l’énergie de fusion – le même processus qui fait briller le Soleil. 

Malheureusement ce projet titanesque de 440.000 tonnes, soit plus de quarante tours Eiffel, accumule les retards, les problèmes de construction, de sûreté, de gestion de personnel. Il est devenu un gouffre financier, un tonneau des danaïdes que doivent remplir les contribuables européens, année après année. 

Et le rêve d’Icare d’atteindre le soleil se transforme en supplice de Tantale.  

Retard de construction et surcoût : le tonneau des Danaïdes

Lancé en 2005 en France à Cadarache et associant (UE – par l’intermédiaire d’Euratom, des États-Unis, de la Russie, du Japon, de la Chine, de la Corée du Sud et de l’Inde), le réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) est le projet de fusion le plus important et le plus intensif au monde. L’Union européenne assume 45% du financement global du projet via l’agence européenne Fusion for Energy, basée à Barcelone, en Espagne.

En 2006, quand le projet ITER a vu le jour, ses partenaires internationaux ont accepté son coût global de 5.9 milliards d’euros  avec l’année 2016 fixée comme date d’entrée en service du réacteur ITER. Mais, en 2016, la production du premier plasma a été reportée à 2025 et un budget total de 18,2 milliards d’euros est annoncé. 

Aujourd’hui, selon l’agence européenne Fusion for Energy :

« Les travaux en vue d’atteindre le premier plasma continuent d’avancer, mais il est devenu évident que l’étape pour l’atteindre d’ici 2025 ne peut plus être atteinte ». 

Le management d’ITER promet de revoir les coûts et le calendrier du projet courant 2024. Vague promesse.

Certains experts évoquent un retard de 5 ans et des milliards d’euros supplémentaires à débourser – une explosion de la facture  qui incombe, bien entendu, aux contribuables européens. Selon l’Agence France Presse*, le projet ITER aurait triplé son coût global, atteignant près de 60 milliards d’euros. Cette dépense ne fera qu’augmenter car, selon les experts impliqués dans le projet, le programme ITER  devra très probablement réussir à produire une partie du tritium qui lui fait actuellement défaut, un combustible essentiel à la fusion nucléaire.

« Les feuillets d’horaires accumulés et les dépassements budgétaires menacent de faire de [ITER] le projet scientifique le plus retardé et le plus coûteux de l’histoire »**

Encore une fois cette année (comme l’année dernière), le Parlement européen est donc amené à voter la décharge de l’agence européenne Fusion for Energy et d’ITER sans disposer d’une vision claire du coût et du calendrier  à moyen et long terme de ce projet titanesque. En France, c’est une habitude, avec l’EPR de Flamanville dont le coût a explosé et la date d’inauguration est sans cesse repoussée. Je croyais que ll’Union européenne travaillait selon des budgets maîtrisés et une vision prospective cohérente avec l’urgence climatique. Décidément, dès qu’on touche à l’atome, la rationalité financière et les enjeux environnementaux ne sont plus audibles. 

Défauts de construction, problème de sûreté, gestion désastreuse du personnel  : le supplice de Tantale

Des défaillances techniques 

En plus du retard d’acheminement de composants d’ITER, certaines pièces se sont avérées défectueuses :  il s’agit des boucliers thermiques destinés à maintenir le réfrigérant à l’hélium liquide d’ITER froid et à protéger les parois de la machine. Ces dernières se sont corrodées et fissurées en raison de l’interaction des soudures avec un acide utilisé pour nettoyer le métal.

De plus, certaines des pièces du récipient à vide en forme de puzzle, censées s’ajuster avec une précision inférieure au millimètre, se sont avérées ne pas être fabriquées avec la précision requise. Ce « défaut de fabrication » a contraint ITER, en novembre 2022, à interrompre non seulement l’assemblage du récipient à vide, mais aussi à retirer le segment déjà installé pour effectuer des réparations. De plus,  il a été découvert que les qualifications de certains soudeurs, chargés de réaliser des soudures de qualité nucléaire entre les pièces métalliques, avaient été falsifiées. ITER doit maintenant examiner toutes les contributions du contractant concerné et préparer une déclaration d’impact sur les falsifications.  

ITER, ou « la promesse » du plus grand tokamak jamais conçu.

Défaut de sûreté pour le personnel 

Enfin, en plus de toutes ces difficultés, l’Autorité française de sûreté nucléaire (ASN) a interrompu l’assemblage ITER en janvier 2022. L’ASN n’est pas convaincue que, entre autres questions, la quantité prévue de protection contre les radiations autour de la machine sera adéquate, et elle refuse la poursuite de l’assemblage tant qu’ITER n’aura pas prouvé sa capacité à assurer la sécurité du personnel. 

Management toxique 

Quant au personnel, les anciens employés et les syndicats européens alertent sur la « gestion par la peur » et le « management toxique » de l’organisation, accumulant des licenciements abusifs et les surmenages des employés. En mai 2021, Mario Gagliardi, un jeune scientifique italien, s’est suicidé en laissant une lettre à sa famille dans laquelle il dénonçait la pression et le climat de travail toxique. En février 2022, un employé de la société Endel, un sous-traitant d’ITER, qui travaillait sur le site de Cadarache, s’est également donné la mort.

La résolution du mai 2023 du Parlement européen tirait déjà la sonnette d’alarme en identifiant les principales raisons de la détérioration de l’environnement de travail : « des problèmes au niveau de l’encadrement supérieur, telles que la prise de décision non-transparente et dysfonctionnelle et l’absence de dialogue social ». 

Un investissement important en faveur de l’action climatique ? 

Selon la Commission européenne, la fusion utilisée en tant que source d’énergie commercialement viable ne devrait pas générer d’électricité avant 2050 ! ITER ne contribuera pas à lutter contre les changements climatiques, il arrivera beaucoup trop tard. 

En outre, la Commission nous confirme que l’empreinte carbone de ce projet de recherche n’a pas encore été estimée et qu’il sera possible de la calculer qu’une fois le projet achevé et les résultats pertinents en terme de commercialisation disponible. Or, nous parlons d’un projet colossal. Pour rappel, le complexe qui abritera le futur réacteur de fusion nucléaire pèse 440.000 tonnes.

Nous ne connaissons donc pas l’empreinte carbone ni le coût de ce projet démentiel. Considérer ITER comme une action climatique est insensé. Pour toutes ces raisons, nous – les Écologistes au Parlement européen- votons contre la décharge d’ITER et de l’agence européenne Fusion for Energy. Même si notre vote n’est pas majoritaire pour rejeter la décharge d’ITER, nos arguments ont un impact : l’Union a ainsi réduit sa contribution au projet ITER de 120 million d’euros pour l’année 2024. 

Notes de bas de pages :

* https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/energie/tout-comprendre-ou-en-sont-les-differents-projets-de-fusion-nucleaire-dans-le-monde_AD-202312100291.html

** https://sciencesprings.wordpress.com/2023/06/15/from-scientific-american-new-documents-reveal-worlds-largest-fusion-project-is-in-big-trouble/

YouTube player

    Laissez votre commentaire

    Votre adresse email ne sera pas publiée.*

    Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

    Mot de passe oublié