Il est des rendez-vous que l’on souhaite effacer de son esprit, ratés de bout en bout, voués par essence à l’échec. Il en est d’autres pour lesquels l’espoir était au contraire permis, des rendez-vous qui, à quelques détails, auraient pu aboutir à des histoires mémorables. L’accord de Samoa rentre dans cette dernière catégorie, formidable opportunité manquée de rééquilibrage des relations Nord-Sud et plus particulièrement de l’Union européenne avec ses partenaires d’Afrique Caraïbe et Pacifique.
Des négociations âpres et des avancées certaines
Le mercredi 10 avril, le Parlement a donné son consentement en séance plénière à l’accord de partenariat entre l’Union européenne et les membres de l’organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, qu’on appelle l’accord de Samoa. L’accord a été signé entre l’UE et ses États membres le 15 novembre 2023, et servira de cadre juridique général à leurs relations pour les 20 prochaines années. Il succède à l’accord de Cotonou, signé en 2000.
Signé à Apia, capitale des Samoa (dans la région de la Polynésie), le 15 novembre 2023, le nouvel accord couvre des thématiques telles que le développement durable, la croissance économique, les droits de l’homme, ainsi que la paix et la sécurité.
Le Parlement européen n’a pas été formellement impliqué dans les négociations de l’accord, mais son consentement était nécessaire pour que l’accord soit conclu. Le vote de la semaine dernière était donc important, autant que prévisible. Les négociations ont été extrêmement âpres pour plusieurs raisons : d’abord parce que les niveaux de négociations étaient multiples et le nombre d’acteurs inclus très élevé, mais avant tout car cet accord traite de questions extrêmement sensibles notamment pour les pays africains, tout en sachant que ses dispositions seront juridiquement contraignantes pour les États. Cet accord contient de nombreuses avancées, sur la question des droits humains, de coopération économique et de développement ou de lutte face aux conséquences du changement climatique.
Des dispositions qui nous empêchent de soutenir le texte
Mais, car il y a toujours un mais, une disposition de l’accord parmi d’autres nous empêche de la soutenir. L’article 74 qui traite de la coopération en matière de gestion des frontières et de lutte contre le trafic de migrants, prévoit ainsi une disposition sur la réadmission. Cet article réaffirme ainsi le droit de tout pays de l’UE ou ACP de renvoyer tout ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier vers son pays d’origine, mais prévoit surtout l’obligation pour tout pays de l’UE ou de l’OEACP d’accepter le retour et la réadmission de ses ressortissants.
Cela représente un énorme risque et va bien au-delà des anciennes dispositions des accords de Cotonou. En effet, si une partie continue à ne pas respecter ces obligations de réadmission, la partie notifiante peut prendre des « mesures proportionnées » à compter de 30 jours après la notification. Il existe donc un risque sérieux qu’une coopération défaillante violant les engagements de réadmission de l’accord de Samoa puisse suspendre l’application des dispositions du code des visas ou encore l’aide au développement prévue.
C’est pour cette raison que la délégation française des Verts/ALE a décidé de s’abstenir lors de l’analyse du texte en Commission du Développement ainsi que lors du vote en plénière. En revanche, nous avons voté en faveur de la résolution qui accompagne ce « vote de consentement » car il ne s’agit que d’une déclaration politique, contenant par ailleurs plus de dispositions nécessaires et utiles, sur la coopération en matière de renforcement de la résilience face aux catastrophes naturelles et d’adaptation au changement climatique, le respect des droits des peuples autochtones ou encore un accent mis sur les aides aux petits exploitants agricoles.